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REUZ !

La réforme des retraites

Après une petite heure durant laquelle le cortège s'épaissit place de Bretagne, les jeunes s'élancèrent en tête, suivis par les blocs des syndicats respectifs ayant appelé à la manifestation ce mardi sept février dans le centre-ville de Rennes.

Si la semaine précédente, la tête de cortège avait été gazée dès les quinze premières minutes de marche, les manifestant.e.s pouvaient ce jour se mettre en jambe sereinement sans avoir à battre en retraite ni à sortir les masques chirurgicaux. Pour autant, il fallut bien que la situation devint de plus en plus tendue. D'abord, car cette manifestation se déroulait à Rennes, et que naturellement, elle ne pouvait se dérouler dans une ambiance reposée, et ensuite, parce qu'on ne rentabilise pas des milliards d'euros investis dans de nouvelles armes de répression, si ne volent pas dans les airs : là des litres d'eau, ici des nuages lacrymogènes là-bas des grenades de désencerclement.

Ainsi, et malgré les précautions prisent par les commerçants du centre-ville, de nombreuses vitrines furent fissurées, des panneaux publicitaires réduits en miettes et de très nombreux collages et tags fleurissait là où le cortège passait. Alors que je rejoignais une partie du cortège qui faisait face aux forces de l'ordre, j'entendis deux commerçantes dire (elles effaçaient des tags fraîchement faits sur leur vitrine dans un énervement contenu) : "De toute manière, ils n'ont que ça à faire... Il fait beau en plus".

Elles avaient raison. La météo était clémente en ce début d'après-midi.

En revanche, ces manifestant.e.s avaient pour sûr d'autres choses à faire que de se retrouver pris dans un brouillard de gaz et d'être exposé aux tirs des grenades.

Habitué aux manifestations pacifiques de villes de plus petite taille, la violence et la tension qui régnait dans ces manifestations m'avait d'abord frappé (mais pas déplu. Un peu d'action dans ma vie morose n'était pas de refus). Avant de m'intéresser à ce type de manifestations agitées, j'étais persuadé que les casseurs étaient des idiots et que les dégradations n'avait aucun intérêt politique (j’étais donc à l'époque idiot, et peu politisé).

Pourtant, manifestation après manifestation et au vu du je-m'en-foutisme gouvernemental face aux revendications légitimes et majoritaires de son peuple, je fus forcé de me poser des questions quant aux manières de lutter contre ce gouvernement qui semble vouloir (quoi qu'il en coûte) rendre les pauvres plus pauvres et les riches plus riches.

Je participai presque à toutes les manifestations sans n'être pour ma part ni blessé (il y en eut) ni contrôlé ou arrêté (il y en eut aussi), même si une grenade lacrymogène a, un jour, décidé de se jeter sur ma jambe (heureux que ce ne fut pas sur le crâne).

Manifestation à Rennes. Une poubelle dégage de la fumée noire

Ce qui me marque au fait le plus, ce n'est pas tant la violence générale dont se sont affolés les journalistes, mais plutôt le fossé colossal entre d'une part les manifestant.e.s et d'autre part les autres : celles et ceux qui restent à travailler où à glander, qui pensent que ça ne sert à rien, qui méprisent les manifestant.e.s ou encore qui pensent qu'iels ont d'autres choses plus intéressantes à faire que d'aller en manif.

Alors que la manifestation (officiellement terminé depuis presque deux heures) continuait grâce à la détermination d'environ deux cents personnes, je ressentis un drôle de sentiment. Un sentiment qui n'était pas lié ni au nombre de kilomètres que mes jambes avaient eu ce jour à parcourir, ni à l'accumulation de gaz lacrymogènes, mais à une impression de soulèvement, de vague. Une vague que l'on voit arriver (de plus ou moins loin) et qui, face à nous, emporte tout. Non pas en nous traînant sous la surface de l'eau, mais en nous fait glisser vers la plage, en nous ramenant vers la côte.

Nous nous devons de tenir la posture du surfer : Rester à l'affût d'une nouvelle occasion d'emporter ce qu'y nous entoure, pas dans le chaos, mais de l'ordre que forment les vagues : mouvante, libres, inattendues et fortes.

Je ne vais pas m'essayer à une analyse poussée de ce mouvement de contestation. D'abord parce que je suis spécialiste de rien, et surtout, car je n'ai pas l'expérience nécessaire pour juger de la pertinence et de l'efficacité des méthodes de protestations qui ont été utilisées. Pourtant, je crois important de raconter mon ressenti, celui d'un individu jeune et nouvellement politisé. C'est pourquoi je publierai régulièrement des articles sur ce blog pour vous partager mon admiration face aux initiatives contestataires et mon indignation vis-à-vis des nouvelles décisions gouvernementales. Préparez-vous donc à un contenu journalistique d'une neutralité sans bornes (et je ne parle pas de la première ministre. Exquise cette vanne enfin bon bref).